30 Mar Des ceintures de judo et de la complexité de la vente complexe
Cet article donne le coup d’envoi d’une nouvelle section du blog KAM With Passion consacrée à la vente complexe.
Dans un billet précédent, j’ai introduit les 3 compétences complémentaires dont les organisations ont besoin dans un monde B2B et je les ai présentées sous forme de pyramide. La série de billets sur la vente complexe se concentre sur la partie inférieure de la pyramide.
Quelle est la complexité réelle d’une situation de vente complexe ?
Dans le monde de la vente B2B, le terme de vente complexe est un fréquemment utilisé, mais qu’entend-on exactement par vente complexe?
La définition la plus simple est qu’une vente B2B est complexe lorsque plusieurs personnes sont impliquées dans le processus de décision d’achat, par opposition à une situation simple où une seule personne décide. C’est une excellente base pour caractériser la vente complexe, mais est-ce suffisant pour rendre compte du degré de complexité? Manifestement non, car de nombreux autres facteurs déterminent le niveau de complexité.
Dans cet article, nous illustrons différents niveaux de complexité d’une situation de vente B2B et utilisant une analogie. Nous explorons également pourquoi il est important pour les dirigeants de s’assurer que leur organisation et les compétences des équipes sont bien alignées sur le degré de complexité de l’environnement commercial de l’entreprise. .
Degré de complexité de la vente et ceintures de judo
Les différents degrés de complexité des situations de vente peuvent être comparés aux ceintures de couleur du judo.
Les niveaux de maîtrise du judo, ou grades kyu, sont représentés par la couleur de la ceinture portée par un judoka : du blanc pour les débutants au noir pour les experts, les différentes couleurs étant le blanc, le jaune, l’orange, le vert, le bleu, le brun et le noir. La ceinture noire kyu est divisée en 6 niveaux appelés dan.
(Au-delà de la ceinture noire 6e dan, il existe même 4 niveaux supplémentaires – 7e à 10e dan – avec des ceintures rouge-blanche et rouge, mais nous n’en tiendrons pas compte dans notre analogie. Cependant, au fur et à mesure du développement de cette série, nous pourrons y revenir).
Examinons quelques situations de vente B2B typiques et faisons correspondre chacune d’entre elles à une ceinture de judo.
Vente complexe ceinture blanche : Achat transactionnel et spécifications fixes
Un responsable des achats est chargé d’acheter du béton pour un chantier de construction ou des boulons et des vis en acier inoxydable pour un fabricant de machines industrielles. Un spécialiste technique est chargé d’aider l’acheteur et de vérifier la conformité technique des offres des différents fournisseurs potentiels. La spécification des biens à acheter et la fourchette de prix acceptable ont été fixées à l’avance et l’organisation acheteuse n’est actuellement pas disposée à les modifier.
Ce type de situation transactionnelle représente le niveau de complexité le plus bas d’une vente complexe. Il peut être intéressant de discuter avec chacune des personnes impliquées de quelques paramètres spécifiques comme le délai de livraison, la sécurité de l’approvisionnement, la logistique, les conditions de paiement. Cependant, l’espace libre laissé aux vendeurs pour ajouter de la valeur reste limité et facile à identifier (pourtant, l’expérience montre que tous les vendeurs ne l’identifient pas et n’essaient pas de l’exploiter).
Vente complexe ceinture verte : Acquisition et déploiement d’un CRM
La plupart des professionnels de la vente B2B qualifient une vente de complexe lorsqu’un comité de sélection réunissant plusieurs fonctions est impliqué dans la décision d’achat.
La notion de Centre d’Achat (Buying Centre) ou d’unité de prise de décision (DMU) a été développée à la fin des années 60 pour aider à analyser un tel comité. Non seulement ce concept reste pertinent dans le monde B2B d’aujourd’hui, mais il a même gagné en importance car l’utilisation de tels comités est devenue quasiment la norme. La notion de Buying Centre fournit un cadre solide pour analyser le rôle des différentes personnes ou groupes de personnes impliqués dans un comité d’achat. Les rôles typiques sont le sponsor, le décideur, les évaluateurs (experts), les utilisateurs (souvent issus de différentes équipes), l’acheteur, le gardien (avec diverses interprétations de ce que cela signifie).
Dans la vie réelle, la composition exacte du Centre d’Achat (Buying Centre – Attention, il ,n’est pas question ici de centrale d’achat) peut varier considérablement. L’utilisation efficace de ce concept nécessite une identification précise de tous les rôles en jeu. En outre, il peut arriver qu’un membre de l’organisation d’achat souhaite pousser un fournisseur spécifique. Dans ce cas, cette personne joue le rôle de coach (si elle agit de manière invisible au Buying Centre) ou de champion (si elle agit de façon visible) pour l’équipe de vente de ce fournisseur. Identifier un coach ou un champion, et même en créer un, sont des éléments majeurs dans la maîtrise de la vente complexe.
Par exemple, une entreprise souhaite acheter et mettre en œuvre un système CRM. Le vice-président des ventes est le sponsor du projet, sans être directement impliqué dans la décision. Le directeur de l’Excellence Commerciale et le chef de projet informatique CRM président le comité d’achat et conduiront une prise décision par consensus (du moins c’est ce qu’ils affichent). Quelques personnes soigneusement sélectionnées sont chargées de représenter les utilisateurs des différentes fonctions. Un acheteur professionnel gère le processus d’appel d’offres et joue donc également le rôle de gardien du processus.
La situation décrite ci-dessus est une situation de vente complexe emblématique, principalement pour trois raisons.
- Premièrement, le centre d’achat est composé d’un grand nombre de parties prenantes ayant potentiellement des points de vue et des attentes différents.
- Deuxièmement, l’enjeu est important pour l’organisation acheteuse, en particulier pour le sponsor et pour les décideurs.
- Troisièmement, la définition de ce qui sera finalement acheté n’est pas fixe. De nombreuses plates-formes modulaires sont disponibles sur le marché mais un projet CRM sérieux comporte un important volet de conseil et de formation.
Dans une telle situation, l’équipe commerciale d’un fournisseur potentiel dispose presque toujours d’une grande liberté pour éduquer et influencer le côté acheteur. A elle d’utiliser cette liberté intelligemment pour le bénéfice partagé du client et du fournisseur. Les équipes qui maîtrisent le mieux la vente complexe ont plus de chances de l’emporter.
Vente complexe ceinture noire : Grand projet d’infrastructure
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous considérons un projet CRM comme une vente réellement complexe, mais seulement au niveau de la ceinture verte ? La réponse est qu’il existe des situations bien plus complexes. Prenons un exemple typique.
Considérons le cas d’un grand projet d’infrastructure tel qu’une nouvelle autoroute pour décharger le réseau routier existant, ou un projet de pont spectaculaire pour relier une île au continent.
Dans ce type de situation, les initiateurs et les payeurs du projet sont la plupart du temps des organisations publiques. De nombreuses parties prenantes sont impliquées du côté acheteur: organisations gouvernementales, élus locaux ou nationaux, personnel permanent, groupes de pression internes aux administration)? Il en est de même du côté vendeur car les offres pour les grands projets d’infrastructure sont soumises par un consortium, et non par un seul acteur. En outre, les parties prenantes touchées par le projet (citoyens, qui sont aussi des électeurs, réseaux d’entreprises, groupes ayant des intérêts particuliers) ont leurs propres points de vue et agendas. Cela peut les amener à soutenir ou combattre le projet activement pour essayer d’influencer sa définition, voire de le faire avorter, comme l’illustrent les nombreux projets de parcs éoliens abandonnés en Europe dans un passé récent.
Les équipes commerciales opérant dans un tel environnement doivent utiliser des stratégies, des techniques et des outils plus sophistiqués que pour la plupart des situations de vente B2B classiques. Par conséquent, un projet d’infrastructure est une situation de niveau ceinture noire alors qu’un projet de CRM est, dans la plupart des cas, une situation de niveau ceinture verte.
Identifier les facteurs de complexité des ventes
Une analogie a toujours des limites. Cela s’applique également à notre comparaison entre la vente complexe et le judo. En nous appuyant sur les exemples présentés, essayons d’être plus précis et d’identifier les différents facteurs qui caractérisent la complexité d’une situation de vente.
Facteurs de complexité d’une situation de vente
- La richesse de l’écosystème du projet et la variété des parties prenantes, tant du côté acheteur que du côté vendeur.
- La présence d’acteurs impactés en dehors de l’organisation acheteuse.
- La familiarité de la partie acheteuse avec ce type d’achat. Plus cette familiarité est faible, plus le processus d’achat est complexe.
- Le niveau de risque pour le sponsor et les décideurs du projet et pour les parties prenantes concernées.
- L’utilisation (ou pas) d’un processus de co-construction de la solution impliquant le côté acheteur et le côté vendeur.
- La durée du processus d’achat et les changements potentiels de certaines parties prenantes clés au milieu.
- La structure de l’équipe de vente, quel que soit le sens du mot « équipe ».
- L’environnement politique et les enjeux politiques pour le sponsor, les décideurs et les autres parties prenantes clés.
- Les facteurs environnementaux, technologiques, sociaux et juridiques.
Les facteurs des deux derniers points de la liste ci-dessus sont mieux traités par une analyse PESTEL. Dans un environnement d’achat et de vente très complexe, une telle analyse, menée sur le bon périmètre, est un outil important pour l’équipe commerciale. L’importance des facteurs politiques, environnementaux, sociaux et juridiques est cruciale lorsque le client et l’organisation décisionnelle est une administration avec des membres permanents et des élus. En outre, bien que cela soit moins reconnu, ils sont également pertinents dans un environnement purement privé car ils définissent l’environnement et l’ensemble des contraintes de l’organisation.
Pourquoi l’évaluation correcte du degré de complexité des ventes est-elle importante ?
Evaluer le degré de complexité d’une situation de vente unique ou de l’environnement commercial global d’une entreprise est-il un exercice réservé aux consultants et aux universitaires? Cet exercice, apparemment « intellectuel », est-il vraiment important pour une entreprise ou un responsable des ventes ? La réponse est oui et voici pourquoi.
Le degré moyen et maximal de complexité rencontré par vos équipes commerciales et vos partenaires doit déterminer la manière dont vous construisez vos capacités commerciales : comment structurer et dimensionner les équipes, de quels types de personnes avez-vous besoin, comment développer les compétences et les capacités, comment définir la méthodologie et les outils de vente, comment digitaliser, comment utiliser les données et les analyses. Tout décalage entre la réalité de l’environnement de vente et le mode de fonctionnement de l’organisation crée des inefficacités et diminue la performance globale.
À titre d’exemple typique, de nombreuses organisations achètent un CRM, définissent et mettent en œuvre un processus de vente et investissent dans la formation et le coaching des vendeurs sans avoir soigneusement évalué le degré réel de complexité des situations rencontrées par leurs équipes. La conséquence est qu’une partie des processus et des outils sont soit trop complexes, soit trop simples et ont donc un impact limité. Beaucoup d’entreprises souffrent d’un tel problème sans même être conscientes de son existence.
Symptômes indiquant que le degré de complexité des ventes n’est pas géré correctement
Voici quelques-uns des symptômes les plus fréquents d’une inadéquation entre les capacités de vente (et de marketing) et la complexité réelle de votre environnement de vente.
- L’entreprise veut passer de la vente de produits à la vente de solutions, mais les chiffres de vente montrent que la transition n’a pas lieu car la plupart des équipes de vente s’en tiennent à l’ancienne approche qui est leur zone de confort..
- Malgré le déploiement d’un CRM, les revues des opportunités majeures montrent un manque de compréhension du centre d’achat et des motivations et attentes des différentes parties prenantes.
- De même, malgré le CRM, il reste difficile d’obtenir une image complète de l’historique des affaires et de l’état des relations avec chaque client existant (en B2B, une grande partie du revenu annuel est généré avec les clients existants)..
- De nombreux champs du CRM et des outils associés pour la gestion des opportunités et des comptes ne sont pas utilisés par la plupart des commerciaux.
- Les taux de réussite sont un peu faibles, sans être nécessairement très mauvais, mais bien trop souvent, l’entreprise termine en deuxième position dans les processus d’appel d’offres (la pire des positions!).
- Un investissement important a été réalisé dans la formation et le coaching des commerciaux sur la vente de valeur mais les outils correspondants ne sont pas utilisés efficacement et les résultats commerciaux ne sont pas durablement améliorés.
- Bien trop souvent, votre entreprise n’est pas invitée à un processus d’appel d’offres susceptible de vous intéresser, alors que vos concurrents le sont (cela indique un manque de visibilité et de positionnement clair dans l’écosystème de l’entreprise).
Que doivent faire les dirigeants commerciaux à ce sujet ?
La performance dans un environnement de vente complexe est une question de capacité collective à créer et maintenir une intimité avec les parties prenantes pertinentes dans un écosystème riche. Les capacités et le mode de fonctionnement de l’organisation doivent être bien alignés sur son environnement de vente.
Les dirigeants doivent donc identifier les symptômes d’un manque de cohérence entre environnement et capacités (capabilities) commerciales puis mettre en place une équipe inter-fonctionnelle chargée de mener une analyse des causes profondes et d’élaborer un plan d’amélioration. Faire appel à une aide extérieure, en travaillant avec de véritables spécialistes d’une approche systémique de la performance commerciale augmente les chances de succès.
Comme indiqué au début de cet article, il donne le coup d’envoi d’une série sur la vente complexe. Dans les prochains billets, nous explorerons les nombreux facteurs de performance de la vente complexe et les techniques pour la maîtriser. Restez à l’écoute !
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