26 Mai Le Charybde et Scylla du Key Account Management

Méthodologie KAM: l’excès et le manque, deux monstres sans pitié
Chacun connaît l’épisode de l’Odyssée dans lequel Ulysse et son équipage affrontent Charybde et Scylla; deux terribles monstres marins, gardiens d’un passage étroit sur une route maritime cruciale. Charybde était capable d’entraîner un navire entier dans l’abîme. Scylla, avec ses six têtes, faisait des ravages dans chaque équipage en dévorant quelques-uns de ses membres. Le passage était si étroit, les deux monstres si proches l’un de l’autre, que les capitaines de navire devaient faire un choix difficile pour savoir à quel monstre ils préféraient être confrontés.
Effectuons maintenant un grand saut dans le temps, de la Grèce antique à notre époque centrée sur l’Internet. Il existe deux raisons majeures pour lesquelles un programme de Key Account Management (gestion des comptes clés) sombre dans l’abîme des échecs d’entreprise ou disparaît parce qu’il a perdu ses quelques champions. Les Charybde et Scylla des directeurs de programmes KAM sont; d’une part l’excès de méthodologie, et d’autre part le manque de méthodologie. .
Une méthodologie KAM, à quoi ça sert?
Avant d’examiner de plus près les Charybde et Scylla du KAM, voyons brièvement en quoi consiste une méthodologie KAM. Si vous et votre entreprise avez décidé de lancer un programme KAM, la méthodologie vous aide à faire ce qui suit :
- Définir la portée et le périmètre de votre initiative KAM ainsi que les critères caractérisant les véritables compte clés de votre entreprise.
- Etablir les processus d’allocation de ressources, d’alignement et de gouvernance.
- Sélectionner les comptes clés avec lesquels vous souhaitez vous engager.
- Nommer les Key Account Managers et les membres de leur équipe de compte.
- Mener une analyse approfondie de chaque compte clé et élaborer un plan de compte pour chacun d’entre eux.
- Mettre en oeuvre chaque plan de compte, développer la relation et gérer les différentes opportunités.
- Gérer les talents pour servir l’objectif de la gestion des connaissances.
- Mesurer clairement l’impact de l’approche KAM au niveau de chaque compte et pour l’ensemble du programme.
La méthodologie KAM, avec ses outils et processus associés, a pour but de permettre à l’organisation de mettre en œuvre la stratégie KAM. Un premier objectif crucial est d’aligner l’organisation, de piloter l’allocation des ressources et de définir la gouvernance de l’initiative. Un deuxième objectif crucial est d’aider les Key Account Managers et leurs équipes de compte à concevoir et à mettre en œuvre les plans de compte.
Au fil du temps, une bonne méthodologie KAM intègre cette pratique dans l’ADN de l’entreprise et contribue à sa transformation.
Quels que soient leur secteur d’activité et leur modèle économique, les entreprises les plus performantes en termes de KAM ont toutes intégré les éléments énumérés ci-dessus dans leur méthodologie. Bien entendu, la manière dont ces éléments sont mis en œuvre peut varier considérablement : une bonne pratique du KAM s’adapte au secteur, à la stratégie et à la culture de l’entreprise et il n’existe pas d’approche universelle.
L’excès de méthodologie signifie bureaucratie et épuisement
La situation d’excès se produit lorsque les processus et outils utilisés pour gérer le programme KAM et les plans de comptes clés sont trop complexes et trop lourds par rapport à la maturité et aux compétences et ressources de l’organisation. Les responsables de comptes clés et leurs équipes passent trop de temps à remplir des modèles et des rapports, avec un impact trop faible sur les résultats.
Par exemple, une grande entreprise industrielle avait défini de nombreux processus et systèmes informatiques pour aider à gérer tous les aspects de l’activité commerciale, y compris la gestion des comptes clés. Outre l’analyse approfondie de ces clients et un modèle de plan de compte très structuré, une grande attention avait été accordée à la coconstruction d’un plan d’action spécifique avec chaque compte clé. Tout cela était impressionnant, du moins sur le papier. En examinant les outils et le système informatique associé, on aurait pu conclure que cette entreprise se débrouillait extrêmement bien en matière de KAM, comme l’affirmait l’un des ses dirigeants. En fait, ce n’était pas le cas. La triste réalité était que chaque responsable de comptes clés était en charge de 5 à 8 clients. Ce nombre était trop élevé pour permettre à chaque Key Account Manager d’appliquer à chaque compte le processus prévu. En outre, les outils associés étaient trop complexes pour la maturité du programme et de l’équipe. Ce qui, de l’extérieur, semblait être une approche très complète du KAM, s’est avéré être une activité excessivement centrée sur le processus, donc une source de tensions internes malgré la grande pertinence des idées de base. Nous avons aidé cette entreprise à mettre en œuvre une approche simplifiée sur un plus petit nombre de comptes par Key Account Manager. L’adaptation des outils, suivie d’un programme ciblé de formation et de coaching terrain sur mesure ont permis d’éliminer la quasi totalité des tensions et d’établir rapidement une nouvelle dynamique. Après 12 à 18 mois, les équipes ont pu passer à une approche plus ambitieuse.
Le manque de méthodologie signifie une navigation sans carte et sans boussole
Examinons maintenant la situation inverse : le manque de méthodologie KAM, ou la faible qualité de celle-ci.
Cela se produit lorsqu’un programme KAM a été lancé, que des comptes clés ont été identifiés, que des responsables de comptes clés ont été nommés mais que tout le reste demeure très vague. Par exemple, il n’y a pas de définition claire des attributs d’un compte clé, pas de processus normalisé pour analyser les clients sélectionnés et élaborer des plans de compte et pour favoriser l’alignement au sein de l’organisation. Beaucoup trop de choses sont laissées à l’appréciation des Key Account Managers, qui sont en fait livrés à eux-mêmes. Le pire, à long terme, est que rien n’est fait pour institutionnaliser les meilleures pratiques liées au KAM.
Voici un autre exemple concret. Une entreprise de l’industrie alimentaire, leader mondial sur son marché, possède quelques comptes globaux qui représentent une grande partie de ses revenus. En outre, ces clients sont les plus disposés à acheter la partie à forte valeur ajoutée de l’offre et certains souhaitent même s’engager dans un codéveloppement. C’est pourquoi l’entreprise a nommé quelques Global Account Managers, des personnes aux compétences étendues, des profils polyvalents avec une connaissance approfondie de leur propre entreprise. C’est intelligent, mais ces GAM ne partagent aucun outil, aucun processus et aucune meilleure pratique. Chacun d’entre eux fonctionne de manière spécifique. Si cela présente l’avantage notable de permettre à chaque GAM d’essayer de nouvelles choses, cela présente également le grave inconvénient de ne pas faire de l’approche GAM une partie intégrante de l’ADN de l’organisation. Le Global Account Manager en charge du client le plus stratégique voit le problème. Il est de plus en plus frustré. Combien de temps acceptera-t-elle de vivre avec une telle situation ?
Pourquoi ces inadéquations se produisent-elles ?
La situation d’excès de méthodologie est le fruit de l’enthousiasme et/ou d’une culture centrée sur les processus.
Généralement, lorsqu’une initiative de KAM est lancée, la personne ou le groupe de personnes chargé de la mener à bien suivent un programme plus ou moins complet de formation KAM, souvent assez coûteux, mais non adapté au contexte de l’entreprise. Une alternative consiste à faire appel à une société de formation prestigieuse (qui n’est pas une société de conseil opérationnel en matière de KAM) qui dispense une formation d’introduction standard. En outre, une équipe en charge des processus élabore les outils KAM. Même si ce point de départ n’est pas mauvais en soit, il conduit dans la plupart des cas à un système trop théorique, trop vaste et qui ne tient compte, ni des spécificités de l’entreprise, ni du contexte de travail des Key Account Managers. C’est la version KAM du proverbe qui dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
La situation de manque de méthodologie est le plus souvent la conséquence d’une définition trop vague de la stratégie KAM et des comptes clés, ainsi que d’un manque de réflexion approfondie sur ce qu’il faut pour lancer et faire fonctionner une telle initiative. Elle peut également provenir d’un point de vue, comme l’illustre l’exemple ci-dessus, selon lequel il est préférable de ne pas donner au KAM un cadre trop rigide. Cette intention initiale de flexibilité est bonne par essence. Cependant, si elle n’est pas gérée correctement, elle peut rapidement entraîner une confusion et un manque de reproductibilité et d’impact durable.
Il est intéressant de noter que les deux situations peuvent coexister dans le même programme KAM. Par exemple, on peut avoir trop de méthodologie dans l’évaluation des comptes clés candidats et dans l’élaboration des plans de comptes clés, et simultanément pas assez – voire pas du tout – dans la manière de réseauter avec l’organisation du client pour étendre et approfondir la relation.
Que doivent faire les directeurs de programmes KAM ?
Mon premier conseil sera le suivant : si vous sentez votre initiative KAM menacée par l’excès ou le manque de méthodologie, agissez immédiatement. Cependant, ne précipitez pas les choses et ne réagissez pas de manière excessive en ignorant et en tuant certaines bonnes pratiques existantes. Votre « jeu », en tant que personne ou équipe chargée de résoudre le problème, consistera à comprendre la situation et à trouver un moyen réaliste de l’améliorer, soit par des mesures progressives, soit par un changement radical.
Voici quelques recommandations pour explorer la situation :
- Examinez les faits et analysez la situation en impliquant toutes les parties concernées. Vous entendrez autant de perceptions que de faits, mais n’oubliez pas que la perception est la réalité.
- Vérifiez votre définition des comptes clés : est-elle suffisamment claire et solide ? Reflète-t-elle bien la stratégie KAM de l’entreprise ?
- Vérifiez les ressources allouées à la conduite du KAM et leur adéquation avec les objectifs annoncés. Vos Key Account Managers sont-ils en situation de correctement gérer l’ensemble des clients dont ils ont la charge?
- Examinez en profondeur un échantillon de plans de compte et les résultats qu’ils ont apportés au fil du temps. Où sont les points d’amélioration les plus évidents?
- Examinez comment les outils KAM sont réellement utilisés. Soyez un peu paranoïaque quant aux outils inadéquats, à la charge de travail irréaliste ou au manque de compétence et de pragmatisme dans l’utilisation des outils. Cela peut être un sujet délicat et de la diplomatie sera nécessaire..
Comment avancer
Mes recommandations finales sur la manière de définir la voie à suivre sont les suivantes :
- Tirer parti de l’intelligence collective : il existe sûrement des bonnes pratiques, individuelles ou collectives, qui méritent d’être réutilisées et diffusées.
- Montrez aux gens qu’ils ont été écoutés tout en précisant qu’ils font également partie de la solution.
- Adaptez les outils et les processus en introduisant de la flexibilité dans le système : il est normal d’investir moins de temps sur un petit compte clé que sur le plus grand et/ou le plus stratégique.
- Renforcez les connaissances et compétences KAM. Ne vous contentez pas d’une formation en classe et utilisez des mesures supplémentaires pour aider vos Key Account Managers et les personnes clés de leurs équipe de compte à atteindre un niveau adéquat de compétences: outils digitaux de renforcement, coaching en situation, et partage d’expérience sont des instruments simples et puissants pour y parvenir.
- Définissez des paramètres clairs pour l’amélioration (y compris en matière de perceptions des personnes) et surveillez étroitement si un changement positif a lieu et si les résultats attendus sont là.
Si vous parvenez à faire ce qui précède raisonnablement bien, votre programme KAM naviguera dans des eaux plus sûres, et vous serez un capitaine de navire (légendaire ?) qui n’a peur ni de Charybde ni de Scylla. Il y aura d’autres dangers et d’autre opportunités sur la route de votre vaisseau KAM. Mais, tout comme la variété des pérégrinations d’Ulysse dans l’Odyssée, ceci est une autre histoire.
Chez KAM WITH PASSION et POWERING, nous disposons d’une offre de services riche et flexible pour vous aider à éviter les Charybde et Scylla du Key Account Management. Inscrivez-vous à notre Newsletter et prenez contact avec nous !